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Page:Viau - Œuvres complètes, Jannet, 1856, tome 1.djvu/14

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Notice


si tous ses larcins avoient été punis de la même façon.

Quel étoit ce larcin ? Théophile, qui veut être obscur, nous semble l’indiquer suffisamment. Un gendre est un mari, et le bâton, de quelque bois qu’il soit, en charge le dos de celui qui voulut en charger un front. C’est Molière qui la dit depuis. Au retour, les deux amis se séparèrent. Il paroît que Balzac joua un mauvais tour à Théophile 1[1] : Balzac en étoit bien capable. Mais, comme il ne trouvait pas Théophile assez bon poète depuis qu’il l’avoit vu si bon soldat, et comme il lui proposoit en vain des règles pour la réformation de son style, il est probable qu’une pique en résulta entre les deux amis, et qu’elle dégénéra en une rupture déclarée. Balzac n’est pas croyable quand il l’attribue à un zèle pieux qui se seroit emparé de lui ; mais les deux caractères étoient bien opposés : l’un étoit naturellement soumis à la règle, l’autre ne pouvoit l’endurer. Bientôt Balzac alla, comme secrétaire du cardinal de La Valette, se noyer à Rome dans les senteurs, et Théophile se mit à la recherche d’un Mécène, première nécessité des poètes d’alors. C’étoit le moyen de s’introduire à la cour, sans parler de l’hôtel du maître et de ses douceurs. Si le poète y perdoit quelque chose de son indépendance, il y gagnoit en liberté d’esprit. La cour, pour être un sommet, se croyoit le Parnasse, et il est naturel que les lettres soient cultivées par des personnes qui ont du loisir. Il falloit donc être poète, et quelque peu flatteur. Cette dernière qualité manquoit à Théophile. Il parle comme Régnier, mais moins bien :

La coutume et le nombre authorise les sots ;
Il faut aymer la cour, rire des mauvais mots,
Acoster un brustal, luy plaire, en faire estime.
Lorsque cela m’advient je pense faire un crime ;
J"en suis tout transporté, le cœur me bat au sein,
Je ne croy plus avoir l’entendement bien sain,
Et, pour m’estre souillé de cest abord funeste,
Je croy longtemps après que mon ame a la peste.

  1. 1. Lettres de Phyllarque, par le P. Goulu (général des Feuillants, auteur contemporain), p. 257, ire partie.