Page:Viau - Œuvres complètes, Jannet, 1856, tome 1.djvu/314

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

LE MATIN.

ODE.


L’aurore sur le front du jour
Seme l’azur, l’or et l’ivoire,
Et le soleil, lassé de boire,
Commence son oblique tour.

Ses chevaux, au sortir de l’onde,
De flamme et de clarté couverts,
La bouche et les naseaux ouverts,
Ronflent la lumiere du monde.

La lune fuit devant nos yeux ;
La nuict a retiré ses voiles ;
Peu à peu le front des estoilles
S’unit à la couleur des cieux.

Desjà la diligente avette
Boit la marjolaine et le thyn,
Et revient riche du butin
Qu’elle a pris sur le mont Hymette.

Je voy le genereux lion
Qui sort de sa demeure creuse,
Herissant sa perruque affreuse,
Qui faict fuir Endimion.

Sa dame, entrant dans les boccages,
Compte les sangliers qu’elle a pris,
Ou devale chez les esprits
Errant aux sombres marescages.

Je voy les agneaux bondissans
Sur ces bleds qui ne font que naistre ;
Cloris, chantant, les meine paistre
Parmy ces costaux verdissans.

Les oyseaux, d’un joyeux ramage,
En chantant semblent adorer