Page:Viau - Œuvres complètes, Jannet, 1856, tome 1.djvu/327

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Laissera, quand je passeray,
Des ombrages dessus ma voye ;
Les Dieux, à mon sort complaisans,
Me combleront de leurs presens ;
J’auray tout mon soûl d ambrosie,
Les deesses me viendront voir,
Au moins si vostre courtoisie
Leur veut permettre ce devoir.

     Ceste triste nuict achevée,
Mon ame quittera le deuil,
Si les tenebres du cercueil
Ne previennent mon arrivée.
À l’aise du premier abord,
Lors que tous nos destins d’accord
Permettront que je vous revoye,
Si je n’ay pour me secourir
Des remedes contre lajoye,
Je dois bien craindre de mourir.

     Je sçay qu’à la faveur premiere
Que vos regards me jetteront,
Mes esprits ravis quitteront
Le doux object de la lumiere ;
C’est tout un, j’ayme bien mon sort,
Car les cruautez de la mort
N’ont point de si cruelle geine
Que des roys ne voulussent bien
Se trouver en la mesme peine
Pour un mesme honneur que le mien.

     Cloris, ma franchise est perdue ;
Mais quand, pour guerir mon ennuy,
Quelque Dieu me l’auroit rendue,
Mon ame se plaindroit de luy.
Toute la force et l’industrie
Que j’opposois à la furie
De mes travaux trop rigoureux