Page:Viau - Œuvres complètes, Jannet, 1856, tome 1.djvu/407

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Car, ayant eu pouvoir de me donner la vie,
Vous avez bien pouvoir de me donner la mort.



SONNET.


Depuis qu’on m’a donné licence d’esperer,
Je me trouve obligé d’aymer ma servitude.
Je n’accuseray plus Cloris d’ingratitude,
Puis qu’elle me permet l’honneur de l’adorer.

Je croy qu’après cela tout me doit prosperer,
Que mon amour sera franc de solicitude,
Et que le sort humain n’a point d’inquietude
Dont mes felicitez se puissent alterer.

J’espere desormais de vivre sans envie
Parmy tous les plaisirs que peut donner la vie.
Je voy mes plus grands maux entierement gueris.

Mon ame, mocque toy des feux que tu souspires,
J’espere des thresors, j’espere des empires,
Et si n’espere rien que de servir Cloris.



SONNET.


Me dois-je taire encor, Amour ? Quelle apparence !
Jamais esprit ne fut forcé comme le mien :
Il faut ou denouer ou rompre ce lien,
Et d’un dernier effort tenter ma delivrance.

Trop de discretion nuit à mon esperance ;
En fin je veux sçavoir ou mon mal ou mon bien,
Et quitter ce respect qui ne sert plus de rien
Que d’un sot exercice à ma perseverance.