Page:Viau - Œuvres complètes, Jannet, 1856, tome 1.djvu/408

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Mon amour ne veut plus servir si laschement :
Elle ostera bien tost ce foible empeschement.
Rien plus ne me sçauroit obliger à me taire.

Philis se rit d’un mal qu’elle me voit celer,
Et me juge un enfant qui ne sçauroit rien faire,
Puis que comme un enfant je ne sçaurois parler.



SONNET.


L’autre jour, inspiré d’une divine flame,
J’entray dedans un temple, où, tout religieux,
Examinant de près mes actes vicieux,
Un repentir profond faict soupirer mon ame.

Tandis qu’à mon secours tous les Dieux je reclame,
Je voy venir Phillis. Quand j’apperçus ses yeux,
Je m’ecriay tout haut : Ce sont ici mes Dieux ;
Ce temple et cet autel appartient à ma dame.

Les Dieux, injuriez de ce crime d’amour,
Conspirent par vengeance à me ravir le jour ;
Mais que sans plus tarder leur flame me confonde !

Ô mort ! quand tu voudras , je suis prest à partir,
Car je suis asseuré que je mourray martir[1]
Pour avoir adoré le plus bel œil du monde.


  1. Imité de Villon :

    Au fort , je meurs amant martyr,
    Du nombre des amoureux saints.