Page:Viau - Œuvres complètes, Jannet, 1856, tome 1.djvu/409

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SONNET.


Si quelquesfois Amour permet que je respire,
Et que pour un moment j’escoute ma raison ,
Mon esprit aussi tost pense à ma guarison,
Taschant de m’affranchir de ce fascheux empire.

Il est vray que mon mal ne peut devenir pire,
Qu’un esclave seroit honteux de ma prison,
Et que les plus damnez, à ma comparaison,
Trouveroient justement des matières pour rire.

Cloris, d’un œil riant et d’un cœur sans remords,
Me tient dans les tourmens pires que mille morts,
Sans espoir que jamais sa cruauté s’amende.

Helas ! après avoir à mes douleurs songé,
Je voudrois me resoudre à demander congé ;
Mais j’ay peur d’obtenir le don que je demande.



SONNET DE THÉOPHILE.

Sur son exil.


Quelque si doux espoir où ma raison s’appuye,
Un mal si découvert ne se sçauroit cacher :
J’emporte, mal-heureux, quelque part où je fuye,
Un traict qu’aucun secours ne me peut arracher.

Je viens dans un desert mes larmes espancher,
Où la terre languit, où le soleil s’ennuye,
Et d’un torrent de pleurs qu’on ne peut estancher
Couvre l’air de vapeurs et la terre de pluye.

Parmy ces tristes lieux trainant mes longs regrets,