Page:Viaud - Naufrage et aventures de M. Pierre Viaud.djvu/219

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tre… Que t’ai-je fait ?… Grâce… grâce au moins pour la vie !… Je ne pus reſifter à mon attendriſſement ; mes larmes coulèrent ; pendant deux minutes il me fut impoſſible de répondre, & de prendre un parti. Les déchiremens de la faim étouffèrent enfin en moi la voix de la raiſon : un cri lugubre, un nouveau coup d’œil de ma compagne, me rendirent toute ma fureur. Égaré, hors de moi-même, plein d’un tranſport inouï, je me jette ſur ce malheureux, je le précipite à terre, je pouſſe des cris pour achever de m’étourdir, & pour m’empêcher d’entendre les ſiens qui auroient détruit ma cruelle réſolution. Je lui lie les mains