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acheter une cargaison de thé et de riz sans compter le ricin…

— Bravo !…

— … Je sus qu’un mandarin, une grosse légume, quoi ! venait d’être condamné par le roi à mourir pour avoir oublié de moucher à temps les chandelles à la cérémonie du jour anniversaire de la naissance de Confucius.

Il aurait pu arguer pour sa défense qu’il était gros, impotent, et que son ventre immense sur ses jambes courtes, plus volumineux que celui de feu Renan, l’avait empêché de se lever à temps pour moucher les chandelles sacrées et parfumées, mais il préféra mourir en exécutant l’ordre de son très gracieux seigneur et, comme la chose se fit secrètement, les autorités françaises ne purent intervenir à temps ; quant à moi, j’avais été tenu au courant par mon quartier-maître qui avait pour bonne amie la suivante de la femme du mandarin ; vous comprenez ?

— Oui.

— Suffit. Au jour dit, il prit son grand sabre d’honneur, recourbé et démasquiné et crac ! d’un coup sec, il se l’enfonça résolument dans le ventre en le remontant violemment vers le haut, de manière à bien s’ouvrir l’abdomen en deux.

Ceci fait, il ferma les yeux et attendit, en se disant : « Je suis mort. » Mais un bon moment se passa et tout étonné de n’être pas mort, il se sentait très faible sans doute, mais au demeurant beaucoup mieux et comme plus léger qu’avant de s’être donné son grand coup de sabre et comme il commençait une série de réflexions philosophiques graves à ce