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l’expédition, un malin pourtant, d’accord avec les trois guides, nous dit qu’il ne fallait pas blaguer — personne n’en avait envie — que l’on allait marcher tout droit devant soi, sans jamais obliquer ni à droite, ni à gauche, pour sortir du cercle infernal de la mine de fer magnétique et de la pampa sans fin, grande comme une mer de foin brûlé et que, pour nous guider dans la ligne droite, on allait allumer des feux tous les 500 mètres, en mettant des herbes en tas, pour qu’elles ne gagnent pas leurs voisines.

Le soir nous nous arrêtions harassés, nous avions fait les feux et à la nuit tombante, on les voyait mourants, mais distinctement, formant un immense cercle dans lequel nous nous étions enfermés nous-mêmes.

— Ce n’est pas seulement le cercle infernal du fer, dit le patron, c’est celui du feu, autrement dit de l’optique, si fréquent dans ces prairies, solitudes désolées, sans fin ; mes enfants, nous sommes bien f… cette fois.

Trois jours de suite nous recommençâmes les feux en ligne droite et trois jours de suite nous nous enfermâmes nous-mêmes dans le cercle magique de fer et de l’optique.

Alors, saisis de désespoir, nous nous assîmes pour mourir et l’un d’entre nous, en pensant à sa douce fiancée, pleura tant qu’il éteignit le feu, le demi-feu, avec ses larmes…

Et le train roulait toujours, nous avions dépassé depuis longtemps, non seulement le tunnel du Pas des Lanciers mais doublé l’Etang de Berre et personne ne s’en était aperçu, tant nous avions été em-