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Fellah me fit très judicieusement remarquer que ça n’avancerait à rien et que nous ferions mieux de nous cacher pour attendre les deux crocodiles qui, évidemment, allaient venir, après leur repas, digérer et dormir sur le sable et qu’alors il nous serait facile de les tuer à bout portant, pour venger nos compagnons.

— Mais nos cartouches sont mouillées, lui dis-je.

— Eh bien, nous les tûrons à coups de couteaux ; et il sortit victorieusement sa grande navajâ.

En effet, nous nous cachâmes derrière une touffe d’alfa et au bout de cinq minutes les deux crocodiles vinrent se coucher sur le sable pour digérer et s’y endormir.

Tout à coup je fus saisi d’horreur, le corps de mon pauvre ami se moulait tout entier à travers la peau visqueuse de l’horrible saurien et tout à coup une idée géniale me traversa le cerveau, me donnant un courage vraiment surhumain. Tandis que le Fellah s’élançait sur l’autre crocodile endormi et d’un coup net de son couteau lui ouvrait le flanc en deux, moi, je m’élançais sur l’autre, gros comme une baleine, je lui saisissais les deux mâchoires violemment et penchant ma tête dans sa gueule béante, j’appelai vivement mon ami :

— Allons, mon vieux copain, sors donc vite…

Un grand éclat de rire interrompit le narrateur et tous en chœur :

— Mais c’est un monologue célèbre que tu nous racontes là, vieux farceur.

— Je crois bien, c’est moi qui l’ai fait pour raconter cette aventure vraie.