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puis pas savoir ce qui s’y passe et tu veux que je m’amuse !

On vient de photographier, de cataloguer plus de trente millions d’étoiles et je ne puis en visiter aucune ; que dis-je je ne puis pas même visiter les astres frères de notre système solaire et il m’est même interdit de voisiner dans la Lune qui est à notre porte, que je considère comme le cabinet de toilette de ma chambre à coucher, autant dire…

Et comme je marquais mon étonnement par des yeux interrogateurs, il poursuivit, véhément, emporté, vraiment beau :

— Et tu veux que je m’amuse à me traîner misérablement dans ce manège de chevaux de bois qu’est la terre ! Non, c’est toi qui te moques de moi et tu es trop intelligent pour ne pas être, au fond, de mon avis. Quoi, voyager sur ce tas de boue, pour voir quoi ? de l’eau, de la terre, des montagnes, des arbres, des maisons. Et puis après ? Rien, toujours la même chose, toujours le manège qui tourne, rien de nouveau. C’est à peine si au Muséum je puis m’imaginer qu’il y a eu autrefois quelques différences, avec d’autres animaux ; mais l’impression vague dure à peine un quart d’heure.

Ce dont j’ai soif, c’est des mondes nouveaux, perdus à travers les infinis de l’espace. Là il doit y avoir du nouveau et des êtres peut-être moins bêtes que mes concitoyens et les tiens. Vois-tu, mon pauvre vieux, je sens que je me meurs d’ennui, que je vais ainsi dépérir jusqu’au tombeau, car hélas ! les sciences soit disant occultes ne m’ont même pas donné l’illusion du rêve, du mirage.