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enfant de chœur et était à peu près aussi croyant que nous — c’est-à-dire pas du tout — avait un vice qui engloutissait ses maigres émoluments. Eh oui, il était astronome et son argent passait à acheter des instruments, hélas ! bien insuffisants pour éteindre sa soif de science.

Sa toquade était la lune ; il l’aimait ; il en était scientifiquement amoureux, et comme je vois que cet amour est partagé par la grande majorité des Français, car chaque dimanche on me fait l’honneur de m’écouter avec passion à la Bodinière, lorsque je parle des voyages de Cyrano de Bergerac ou du savetier hollandais d’Edgar Poë dans la lune, j’ose espérer que vous ne voudrez point vous singulariser, en ne partageant pas cette universelle sympathie pour notre gentille petite voisine astrale. Du reste, aujourd’hui les études sélénites sont fort à la mode, comme celles concernant la planète Mars.[1]

Donc, pendant des années, il avait calculé l’effort nécessaire pour vaincre la résistance de l’air et l’attraction terrestre, et il était arrivé à trouver la formule exacte du canon qu’il lui aurait fallu pour lancer un boulet dans la lune.

Son désespoir était de ne pas avoir l’argent nécessaire pour construire le canon de ses rêves — sans doute un peu chimériques.

Il disait qu’en enfermant, dans un boulet creux, un autre petit boulet creux également, en fer forgé pour qu’il ne se brise pas en tombant sur la lune, on

  1. Le lecteur a déjà compris que ceci a été écrit pendant affaire Dreyfus, alors que Zola était à Londres.