Page:Vicaire - Au pays des ajoncs, 1901.djvu/112

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J’ai tué l’hydre infâme et le serpent baveux.
J’ai tenu dans mes mains Viviane la blonde.

Le parterre idéal ne m’a pas oublié.
Il a tout retenu de nos métamorphoses.
Voici surgir encor la muraille de roses
Où je voulus, un jour, que mon cœur fût lié.

Le léopard saxon terrifiait la plaine.
Je vains et je lui pris la langue entre les crocs.
Arthur m’a fait asseoir au milieu des héros ;
Genèvre a mis sur moi la fleur de marjolaine.

J’étais l’amour, la joie, et la guerre et le chant.
Je savais le secret des splendides mensonges.
Je hâtais d’un regard l’éclosion des songes ;
Je lisais l’avenir dans le soleil couchant.

Et maintenant, timide et nu, presque sauvage,
Je me traîne au hasard sous l’infini des bois.
Rien ne m’est demeuré du charme d’autrefois.
Je suis le marinier de la mer sans rivage.

Le vent triste et mauvais, le vent de n’importe où
Me ballotte, à son gré, dans la forêt maudite.
Moi qui sur l’eau féerique évoquais Aphrodite,
On me traite de brute, on dit que je suis fou.