Page:Vicaire - Au pays des ajoncs, 1901.djvu/32

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Mais le bois s’allongea, puis une étroite allée
Se mit à serpenter au milieu des ajoncs.
Avec ses hautes tours et ses mille donjons
M’apparut une ville noble et désolée.

Tremblante, elle baignait son front dans la clarté,
Comme une veuve en deuil, encore désirable.
On eût dit que je ne sais quoi d’irréparable
S’était, un jour, appesanti sur la cité.

Une herbe d’un vert pâle envahissait les rues.
Les fontaines coulaient à peine, indolemment.
La vie était muette en ce château dormant,
Et la campagne, au loin, n’avait pas de charrues.

Tant de logis d’amour, et pas un damoiseau !
Tant de clochers bien ajourés, et pas un prêtre !
Nul sourire de blonde à l’étroite fenêtre,
Pas même, sur la lande, un petit chant d’oiseau.

Et tout ce formidable et morne paysage
Oscillait doucement au remous du matin,
Et j’aurais bien voulu cueillir un brin de thym
Sur cette terre à moitié morte et sans visage.

Je disais : « Qu’est-ce là ? Quels goujats sont venus
Saccager le jardin avec ses roses blanches ?