Page:Vicaire - Au pays des ajoncs, 1901.djvu/76

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Lentement, lentement, quel fantôme s’anime ?
Kéris, ah ! c’est Kéris, l’impudique cité,
Kéris, qui dans la mort expie encor son crime !

III


Et puis rien… Par degrés, le jour s’est attristé.
Un vent tumultueux s’élève, et du ciel tombe
Sur la mer somnolente une morne clarté.

Où donc est maintenant l’aile de la colombe ?
Où donc les bleus vaisseaux avec leurs drapeaux blanc ?
On a le cœur serré comme autour d’une tombe.

Un cri de mort s’abat sur les récifs branlants,
Le flot sinistrement bat les roches meurtries,
Lugubre est, dans l’air froid, l’adieu des goélands ;

Et rien n’est demeuré des sublimes féeries
Qui se jouaient naguère en ce divin décor,
À la grâce du vent et des vagues fleuries.

L’oiseau miraculeux vient de prendre l’essor,
Il plane, il plane, et comme lui s’est envolée
La fée au clair visage avec ses cheveux d’or ;

Déjà s’est laissé choir sur la mer désolée
La nuit, lourde d’angoisse et grosse de sanglots ;
On n’entend que le bruit de la vague écroulée.