Page:Vicaire - L’Heure enchantée, 1890.djvu/182

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Ô fraîcheur exquise, ô paix du matin,
Souffles vagabonds, brises familières !
La source bruit parmi les bruyères,
En son lit de moire et de vert satin.

Muguet, primevère, œillet, campanule,
Calices d’argent, d’or où de vermeil,
Tout s’ouvre au premier rayon de soleil
Où se jouent l’abeille et la libellule.

Dans l’air assoupi, sous les noirs fourre
Où le rossignol ardemment prélude
Passe un long soupir de béatitude
Dont tous les échos sont enamourés.

Et partout voici que se fait entendre,
Ainsi qu’un orchestre invisible et doux,
Le chœur des lutins caché dans les houx,
La chanson d’avril, éperdument tendre.

Ah ! ta chère aubade, ô musicien,
Comme elle nous berce, et comme elle est brève !
Où vont les serments qu’on se fait en rêve,
La voix qui se meurt et le charme ancien ?

Délices de l’âme, adorable ivresse,
Pourquoi tout à coup nous abandonner ?
Printemps de nos cœurs, pourquoi te faner
Sous les doigts rosés de l’Enchanteresse ?