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UNE FÉE

Si le fait est prouvé, tu sais ce qui t’attend.
Nous ne te voulons plus chez nous. En un instant,
Comme ton bel ami, tu deviendras mortelle.
Plus de robes d’argent, d’or ou de brocatelle,
Plus de rondes, le soir, dans le cercle enchanté.
La bise, en peu de temps, fanera ta beauté.
Il te faudra bientôt, villageoise enlaidie,
Subir la pauvreté, le froid, la maladie,
Mener paître les veaux tous les jours que Dieu fait,
Et danser, ventre vide, en face du buffet.
Le front ceint de fenouil, de rue et d’amourette,
Nous irons, folâtrant et riant. Toi, pauvrette,
Tu tireras la langue avec ton étourdi. »
À grands coups de battoir l’auditoire applaudit.
L’enfant tremble et pâlit un peu. Toujours coquette,
Elle fait trois saluts comme veut l’étiquette,
Et murmure : « Madame, et vous, Seigneur… » — « Bon, bon,
Est-il vrai qu’on t’ait vue avec ce vagabond ? »
Une faible rougeur est montée à sa joue ;
Frémissante et superbe, elle répond : — « J’avoue.


« Mon gentil roi,
Ma douce reine,
L’amour m’entraîne ;
Oubliez-moi.

« Et vous de même,
Esprits mutins,
Sylphes, lutins,
Frères que j’aime.