Page:Vicaire - L’Heure enchantée, 1890.djvu/53

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« Adieu mon pâle ciel et le chant des ruisseaux
Qui berça le sommeil de ma première enfance,
Adieu la verte lande avec ses arbrisseaux !

« Mon pays, en tout temps, j’ai pris votre défense.
Dans la joie ou le deuil je vous ai bien servi.
Souvenez-vous de moi si quelqu’un vous offense.

« Et vous, mes compagnons, vous qui m’avez suivi
Contre le roi d’Islande et le Saxon vorace,
Vous qu’un rêve de gloire enflammait à l’envi,

« Ô le sang de mon cœur et la fleur de ma race,
Gardez fidèlement le trésor des aïeux ;
Faites que nos enfants marchent sur notre trace.

« Les jeunes, c’est la loi, poussent du pied les vieux.
Mais quand reverdira le temps des primevères,
Entonnez bravement quelque refrain joyeux.

« Dans le courtil en fleur entre-choquez vos verres,
Rappelez-vous, enfants, le Merlin d’autrefois,
Et que vos jugements ne soient pas trop sévères.

« Les temps sont accomplis. Dieu l’a voulu. Ma voix
Ne retentira plus dans les champs de Cambrie.
Je ne poursuivrai plus le sanglier des bois.