Page:Victoire de Donnissan de La Rochejaquelein - Mémoires de Madame la marquise de La Rochejaquelein, 1889.djvu/102

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et de Lescure avaient chargé des amis de les avertir, si on préparait quelque mouvement pour le sauver, afin de se rendre sur-le-champ à Paris ; mais il n’y eut rien du tout. Il est impossible de peindre la douleur que nous ressentîmes en apprenant ce crime : ce ne fut, pendant plusieurs jours, que des larmes dans toute la maison.

Le fort de l’hiver étant passé, ma mère parla de se rendre en Gascogne avec mon père et ma tante ; elle ne pouvait cependant se décider à me laisser ; elle voulait m’emmener, et moi je ne pouvais me déterminer à la voir partir, ni à quitter ma fille et M. de Lescure ; celui-ci tenait à attendre chez lui, parce qu’il prévoyait que tôt ou tard les paysans se révolteraient, sans cependant avoir aucun plan, et il voulait faire la guerre avec eux ; maman était loin de le blâmer, mais elle désirait m’emmener.

Au milieu de ces incertitudes, s’alluma la guerre de la Vendée. Toute ma famille resta ; car, dans ce malheureux temps, on était également suspect, quand on s’enfuyait ; dans l’autre insurrection, Mlle des Essarts avait été mise en prison à Parthenay, où elle passait, pour se rendre à Niort ; d’ailleurs mon père ne voulait plus partir, une fois le mouvement déclaré, comptant y participer aussi.

Me voici donc à cette époque à jamais célèbre. Je finis ce chapitre en assurant (ce qui est l’exacte vérité, mais on ne l’a point cru,) que ni les prêtres, ni les nobles n’ont jamais fomenté, ni commencé la révolte ; ils ont secondé les paysans, mais seulement quand l’insurrection a été établie ; alors ils ont cherché à la soutenir. Je suis loin de dire qu’ils ne la désiraient pas ; mais, on doit le comprendre pour peu qu’on y réfléchisse, aucun d’eux n’était assez fou pour engager une poignée de paysans sans armes, sans argent, à attaquer la France entière ; ils attendaient un moment favorable, espéraient qu’il viendrait tôt ou tard, connaissant les dispositions du pays et gémissant de n’avoir aucun moyen de les seconder. Enfin puissances coalisées ne