Page:Victoire de Donnissan de La Rochejaquelein - Mémoires de Madame la marquise de La Rochejaquelein, 1889.djvu/116

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ses mains, les baise et s’écrie mille fois : « Il me défendra, Il me défendra ! »

À onze heures, quand tous les domestiques furent couchés, Henri, son domestique, M. de la Cassaigne et le guide partirent, le premier armé seulement d’un gros bâton et de pistolets. Quand ils furent sortis, M. de Lescure me dit : « À présent que M. de la Cassaigne est en marche, je vous avouerai que je crois possible que son départ me compromette, mais je ne pouvais tenir à sa poltronnerie ; sa peur me donnait autant d’ennui que de pitié. »

Le dimanche fixé pour tirer à la milice arriva : tous nos domestiques se rendirent au bourg ; nous étions à déjeuner, quand nous entendons crier : Pistolet à la main, et aussitôt nous voyons arriver au galop, dans la cour, vingt gendarmes ; nous apercevons en même temps des sentinelles à toutes les portes des cours et des jardins. Nous allons tout de suite au-devant des gendarmes ; ils nous lisent un ordre du district, portant d’arrêter M. de Lescure, moi, M. d’Auzon et toutes autres personnes suspectes, qui pourraient se trouver à Clisson. Nous leur demandons la cause de cet ordre ; ils n’en savaient rien. Ma pauvre mère déclare sur-le-champ qu’elle se rendra en prison avec moi, mon père également, ne voulant pas m’abandonner. Je leur fais inutilement toutes les instances imaginables ; M. de Marigny dit qu’il suivra M. de Lescure, et qu’il est résolu depuis longtemps à partager son sort. Les gendarmes avaient toujours le pistolet à la main ; il y en avait deux à mes côtés, suivant mes pas et me couchant en joue ; je finis par leur dire que sûrement, au milieu de la grande quantité de femmes qui étaient dans la maison, j’aurais pu éviter dans le premier moment d’être reconnue et m’échapper, dans une maison aussi facile que la mienne pour se cacher ; ils pouvaient donc voir que je ne voulais pas m’enfuir ; que j’allais m’habiller et qu’ils voudraient bien rester dans les corridors, qu’il était ridicule de suivre une femme avec des pis-