Page:Victoire de Donnissan de La Rochejaquelein - Mémoires de Madame la marquise de La Rochejaquelein, 1889.djvu/117

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tolets ; ils me laissèrent. M. d’Auzon étant malade depuis quelque temps, fit accroire qu’il était fort mal et obtint de rester. Quand les gendarmes virent que nous les recevions très honnêtement, que tous nos domestiques étaient à tirer à la milice et qu’il y avait une quantité de femmes et de vieillards dans la maison, ils s’adoucirent ; une chose les frappa surtout, la volonté de mes parents de me suivre. Pendant les instances que je faisais à maman de rester, un gendarme lui dit : « Madame, de toute manière vous viendrez, car l’ordre comprend toutes les personnes suspectes. » Maman lui répondit : « Est-ce que vous voulez m’ôter jusqu’au plaisir de me sacrifier pour ma fille ? » Ce mot les attendrit beaucoup. Dans le fait, maman et mon père auraient pu éviter de venir en prison, en s’habillant en gens de service, comme firent M.  et Mlle  des Essarts ; mais une fois qu’ils eurent déclaré qui ils étaient, on les aurait emmenés de force. Les gendarmes nous prirent en amitié et nous firent des confidences. Ils nous dirent qu’il y avait dix jours que l’ordre du district était donné pour nous arrêter, mais tous leurs camarades du pays avaient refusé ; et dans le fait, il n’y en avait aucun parmi ceux qui étaient venus chercher les chevaux. Enfin l’ordre avait été donné sous la responsabilité du commandant : celui-ci avait choisi des hommes ne nous connaissant pas, arrivés la veille de Vierzon en Berry, car on rassemblait toutes les brigades pour former une cavalerie contre les Brigands. Eux-mêmes étaient affligés de nous arrêter, voyant combien nous étions aimés de tout le monde, et ils dirent qu’ils feraient leur possible pour nous rendre service. Je me croyais grosse à cette époque ; maman leur en parla, cela les toucha extrêmement.

Enfin nous partîmes en voiture, tous les cinq, escortés par les gendarmes ; en sortant de la cour le chef leur dit : » Citoyens, j’espère que vous vous empresserez à rendre témoignage de la soumission avec laquelle on a obéi, et aux honnêtetés qu’on vous a faites » ; ils répondirent tous que oui. En effet, quand nous