Page:Victoire de Donnissan de La Rochejaquelein - Mémoires de Madame la marquise de La Rochejaquelein, 1889.djvu/133

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beaucoup de femmes qui pleuraient et jetaient les hauts cris ; elles demandent à Allain où il va, Il répond : À Parthenay ; nous étions sur la route, et une grande partie des habitants s’y rendaient. À peine sortis de la ville, nous prenons notre course par des chemins détournés ; M. de Lescure et moi, étant les plus jeunes, arrivons une heure avant les autres. Nous rencontrons M. Paillou, honnête homme, un peu patriote, qui était venu voir son oncle, notre curé. Nous lui contons ce qui se passe, et nous apprenons les bonnes nouvelles aux gens du château, où personne ne pouvait en croire ses yeux en nous voyant. Il nous arriva successivement beaucoup de fuyards de Bressuire, surtout des femmes ; plusieurs furent amenées par leurs maris, qui les y laissèrent. Le chevalier des Essarts vint aussi avec un volontaire ; ils étaient restés cachés dans la ville jusqu’à ce que tout le monde fût parti. Nous apprîmes que les prisonniers de la Forêt avaient été enlevés et conduits par Parthenay, dans la nuit, à Angoulême, [où aucun n’a péri. Après une détention de vingt-deux mois, M. Thomassin revint me trouver. Il resta chez moi jusqu’à sa mort, arrivée en 1804[1] ; son esprit s’était tout à fait dérangé.]

Vers une heure, on répandit un bruit vague, que les Brigands ne marchaient pas sur Bressuire. M. de Lescure, au désespoir, envoya chercher des paysans sûrs, les chargea de rassembler les paroisses, de leur donner rendez-vous pour cinq heures du matin à un point indiqué, où elles trouveraient des chefs. Il résolut d’aller à Châtillon chercher de la poudre et quelques troupes ; il avait le temps d’arriver au rassemblement, pour occuper la ville au point du jour et empêcher les Bleus d’y rentrer. Il décida qu’à la brune nous partirions tous, escortés par douze braves domestiques bien armés. Nous pouvions, espérer, n’être pas arrêtés, en passant par de bonnes paroisses ; le

  1. Jacques-François-Marie Thomassin mourut au logis du Gât, commune de Boismé, près Bressuire, le 19 janvier 1804, âgé d’environ soixante-quatre ans.