Page:Victoire de Donnissan de La Rochejaquelein - Mémoires de Madame la marquise de La Rochejaquelein, 1889.djvu/27

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encore, vous allez juger de cette figure-là ! » Puis, élevant la voix : « Paméla, faites Héloïse ! » Aussitôt Paméla[1] ôte son peigne ; ses beaux cheveux sans poudre tombent en longues boucles ; elle se précipite un genou en terre, lève les yeux au ciel, ainsi qu’un de ses bras, et sa figure exprime une extase passionnée. Paméla reste en attitude ! Pendant ce temps, Mme de Genlis paraît ravie, fait des signes, des remarques à ma grand’mère, qui lui adresse des compliments sur la beauté et la grâce de sa jeune élève. Pour moi je restai stupéfaite par instinct et sans rien comprendre.

[Ma grand’mère s’en fut bien vite pour rire de cette rencontre. Huit jours durant, elle en faisait le récit à ceux qui venaient la voir ; c’étaient des plaisanteries continuelles sur la bonne éducation qu’on donnait à Paméla. Tous ces chuchotements et l’expression passionnée de la nouvelle Héloïse, dont je n’avais jamais eu l’idée, m’ont fait une impression qui dure encore. Je n’ai pas rencontré depuis Mmes de Genlis, de Valence, ni Paméla.]

À l’âge de douze ans, j’allai aux eaux de Vichy et au château de Louvois avec Mesdames.

J’arrive à ma quatorzième année. Ma grand’mère était attaquée d’une maladie mortelle ; elle avait fait inutilement plusieurs voyages aux eaux. On arrêta mon mariage avec le fils de M. le comte de Montmorin[2], qui revenait de l’ambassade d’Espagne ; il était alors commandant de Bretagne, avait le Cordon bleu, la promesse du titre (de duc), cinquante mille livres de rente, sans compter les bienfaits du Roi ; de plus, l’espoir de parvenir à tout.

  1. Nancy Seymour serait née, d’après Mme de Genlis, à Fogo, dépendance de Terre-Neuve, et aurait été amenée d’Angleterre au Palais-Royal. Au mois de décembre 1792, elle épousa à Tournay, lord Edward Fitz-Gérald, et plus tard l’Américain Pitcairn, consul à Hambourg. Ayant divorcé, elle se retira à l’Abbaye-aux-Bois, à Paris, puis en sortit pour suivre le duc de la Force ; elle mourut le 8 novembre 1831.
  2. Armand-Marc, comte de Montmorin Saint-Hérem, né à Paris, le 13 octobre 1746, maréchal de camp, ambassadeur de France, chevalier du Saint-Esprit et de la Toison d’or, ministre des Affaires étrangères, massacré à l’Abbaye le 2 septembre 1792.