Page:Victoire de Donnissan de La Rochejaquelein - Mémoires de Madame la marquise de La Rochejaquelein, 1889.djvu/34

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

après, sans prononcer une parole. Voilà tout ce que j’ai su de M. de Lescure au sujet de la mort de son père.

[Périer, son vieux et fidèle valet de chambre, fut témoin de l’autopsie qu’on fit de son corps et entendit causer les médecins ; il n’a jamais cessé de répéter que son maître avait été empoisonné, qu’il en avait eu des preuves évidentes, et que d’ailleurs la maladie était d’un genre inexplicable. On dit à son fils et au public qu’on lui avait trouvé un abcès dans les côtes, suite d’un coup qu’il s’était effectivement donné contre un arbre en chassant.

[La société d’Ermenonville se dispersa sans bruit peu après la mort de M. de Lescure ; M. de Pl***, fortement soupçonné d’infamies inconnues, se rendit en Brabant, d’où il écrivait continuellement à Madame ***. Celle-ci affectait l’irréligion. Ses parents, chez qui elle s’était retirée, firent prier Madame de la Rochebrochard d’Auzay[1] de venir la voir, elles avaient été amies d’enfance. Mme d’Auzay la décida à aller à la messe un dimanche, on lui donna un livre, elle-même fit remarquer qu’elle le tenait à l’envers. Elle se mourait, on n’a jamais su de quel mal ; continuellement le sang coulait goutte à goutte de sa bouche, elle ne se plaignait pas, se levait, s’habillait et ne voulait faire aucun remède. Un jour, Mme d’Auzay lui ayant offert un verre de limonade, elle parut l’accepter avec plaisir ; elle le portait à sa bouche, son amie lui dit : « J’espère que ce petit remède vous fera du bien ; » elle jeta aussitôt le verre en disant : « Ah, c’est un remède ! » Elle mourut sans dire un mot, avec un air profondément insensible et concentré.

[C’est aussi Périer, je crois, qui a raconté que la veille de la mort de mon oncle, M. de Pl*** vint le voir et lui demanda de

  1. Marie-Françoise Jouslard d’Yversay, née le 17 mai 1752, dame de Busserolles et du Coudreau, mariée, le 17 juin 1776, à François-Xavier-Joseph Brochard de la Rochebrochard, baron d’Auzay, près Fontenay-le-Comte, capitaine aux chevau-légers, chevalier de Saint-Louis.