Page:Victoire de Donnissan de La Rochejaquelein - Mémoires de Madame la marquise de La Rochejaquelein, 1889.djvu/62

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

foule le baron de Ros[1], officier des gardes du corps, déguisé ; elle eut le courage de lui dire tout haut : « Vous irez savoir de ma part des nouvelles de M. de Savonnières, et lui direz toute la part que je prends à son état. » M. de Ros nous le répéta, l’instant d’après. C’est ainsi que je n’écris que ce que j’ai vu ou ai su de la bouche des témoins oculaires, sans parler des faits que d’autres mieux instruits que moi feront passer à la postérité.

Plus de deux mille voitures suivaient le Roi ; on prétendait qu’après son départ on pillerait le château ; aussi le démeublait-on avec une telle précipitation, qu’on jetait jusqu’aux glaces par les fenêtres.

Jamais on n’a vu une confusion pareille à celle de la route de Paris à Versailles. Tout le monde était pêle-mêle ; on voyait des énergumènes, hommes et femmes, qui avaient l’air de furieux ; on entendait les cris répétés de Vive la Nation ! et à chaque instant des coups de fusil partaient au repos, ou peut-être exprès. Nous avions cent hommes de la garde nationale de Paris qui nous entouraient, destinés spécialement pour la voiture de Mesdames ; tout le long de la route, elles leur parlaient avec la plus grande bonté, et même trop grande, en partie par peur, en partie par habitude d’être extrêmement affables ; Madame Adélaïde surtout, par le besoin qu’elle avait d’être toujours en agitation et en mouvement. Nous fûmes cinq heures en route jusqu’à Sèvres ; il avait été accordé à Mesdames d’aller à Bellevue, les cent hommes les y accompagnèrent, et y restèrent pour les garder. Maman, en arrivant, eut une affreuse attaque de nerfs.

  1. Augustin-Nicolas-Jean de Ros, né le 16 juin 1742, à Saint-Estève-del-Monastir, dans le Roussillon, capitaine aux milices de Perpignan en 1759, et dans Choiseul-dragons en 1763, sous-lieutenant aux gardes du corps, compagnie écossaise, en 1777, avec le rang de mestre de camp de cavalerie, chevalier de Saint-Louis.