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point, mais encore il ajouta d’autres pensions à celles qu’elle laissait ; son testament étant fait depuis longtemps, elle avait oublié plusieurs domestiques, qui en méritaient à l’époque de sa mort ; et non seulement il eut cette générosité, mais il voulut la laisser ignorer, et distribua tous les legs au nom de sa grand’mère, sans parler de lui.

Nous avions à Clisson M. de Marigny[1], officier de marine, chevalier de Saint-Louis, ami et parent de M. de Lescure ; il avait alors quarante ans ; c’était un grand et bel homme, grand chasseur, d’une force prodigieuse. Plein de bravoure, il avait de l’esprit et connaissait bien son état. Le fond de son caractère était la complaisance et la gaieté, franc, loyal, toujours de bonne humeur, [très farceur, faisant avec une facilité étonnante des chansons pleines d’idées aimables, il racontait des histoires très comiques ; il était recherché de tous les châteaux. Toujours prêt à rendre service, très adroit, sans y mettre de prétention, généreux, le cœur excellent, il entrait chez les paysans pour donner des soins aux malades et aux bestiaux. Il était adoré dans notre pays où il passait tous ses congés.

[On a dit bien mal à propos que M. de Marigny s’enivrait, et cela, parce qu’à la guerre il s’exaltait à l’excès, parlant aux paysans avec une extrême véhémence, mais sans colère. Il était très ardent, enthousiaste. Il avait naturellement le teint très coloré, une belle carnation : quand il était échauffé par l’action, il devenait fort rouge. Il m’est arrivé de commettre une étourderie, qui prouve bien qu’il ne s’enivrait pas.

[Le jour des Rois, pendant notre séjour à Clisson, en 1792, je m’arrangeai pour qu’il eût la fève ; je fis apporter les meilleurs vins de la cave et des liqueurs ; je buvais quelques gouttes à sa

  1. Augustin-Étienne-Gaspard de Bernard de Marigny, né à Luçon le 2 novembre 1754, lieutenant de vaisseau, capitaine d’apprentis canonniers en 1783, chevalier de Saint-Louis. Général dans la grande armée vendéenne, fusillé à la Girardière, près Cerizay, en bas Poitou, le 14 juillet 1794.