Page:Victoire de Donnissan de La Rochejaquelein - Mémoires de Madame la marquise de La Rochejaquelein, 1889.djvu/85

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Lescure allait être arrêté ; je ne dis rien, mais en arrivant dans ma chambre, je me trouvai mal.

La section du Roule, où était l’hôtel Diesbach, était assez bonne, nous y étions aimés, on nous fit dire d’être sans inquiétude, n’osant pas y retourner, nous fûmes logés à l’hôtel de l’Université. Maman y entendit crier la translation de Mme la princesse de Lamballe à la Force, et tous ces malheurs réunis lui donnèrent une fièvre inflammatoire. Elle était un peu mieux ; les craintes redoublaient, on arrêtait une foule de personnes, nous attendions notre tour : mais comment sortir de Paris ? On refusait des passeports à tout le monde, et en demander était une raison pour être arrêté ; on eut même la barbarie de refuser à une de mes amies, la vicomtesse de Bernis[1], un passeport pour aller voir son fils, malade à Vincennes ; on ne lui en donna même pas pour un médecin qu’elle voulait y envoyer. Ce malheureux enfant périt, et la mère pensa mourir de douleur.

Dieu nous fit trouver un libérateur, M. Thomassin, homme plein d’esprit, l’ancien gouverneur de M. de Lescure ; il lui était entièrement attaché, il résolut de nous sauver, ou de périr avec nous. Il avait donné un instant dans la révolution, de plus il était connu pour un ferrailleur déterminé : ces deux raisons l’avaient fait nommer commissaire de police et capitaine de la section de Saint-Magloire. Il demande et obtient une commission pour acheter des fourrages pour l’armée ; il va trouver les commissaires de notre section, ils lui promettent de nous délivrer des passeports. Il nous mène lui-même à la section, en uniforme de la garde nationale, les épaulettes de capitaine et toute la jactance d’un héros parisien ; tandis qu’il parle, un secré-

  1. Victoire-Julie-Lucrèce du Puy-Montbrun, fille de Jacques du Puy, chevalier, marquis de Montbrun, mestre de camp de cavalerie, et de Catherine de Narbonne-Pelot de Salges. Elle était la seconde femme de Pons-Simon de Pierre, vicomte de Bernis, maréchal de camp en 1788, chevalier de Saint-Louis, et depuis lieutenant général. Elle mourut à Fontainebleau en 1837.