Page:Victoire de Donnissan de La Rochejaquelein - Mémoires de Madame la marquise de La Rochejaquelein, 1889.djvu/89

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frontières pour combattre avec eux ; il finit par s’écrier : « Mes camarades, répétez avec moi : Vive la nation ! » Tout le peuple ému applaudit avec transport. M. Thomassin se jette dans la voiture, ordonne au postillon de partir, et nous reprenons la route d’Orléans, aux cris mille fois répétés de : Vive la nation !

Notre postillon faillit une seconde fois nous coûter la vie ; nous rencontrons, à une lieue de Paris, cent Marseillais, l’avant-garde de ceux qui allaient chercher les prisonniers à Orléans. Nous étions du côté opposé à celui où ils passaient, le postillon traverse exprès le pavé, va accrocher les soldats de cette compagnie et manque d’en culbuter plusieurs ; dans l’instant, toute la troupe nous couche en joue. M. Thomassin sort la moitié du corps par la portière, crie : « Mes camarades, tuez ce monstre, Vive la nation ! » Les Marseillais s’apaisent dans l’instant, en voyant l’uniforme, et le postillon, qui a grand’peur pour lui, continue sa route ventre à terre. Nous trouvions les chemins remplis de volontaires qui se rendaient à l’armée ; ils marchaient sans ordre et insultaient tout le monde, surtout les voitures ; mais sitôt que M. Thomassin se montrait, criant Vive la nation, ces gens applaudissaient et répétaient : Vive la nation !

Je n’oublierai pas qu’à Orléans, où nous arrivions le soir, pendant qu’à la porte on visait nos passeports, tout le monde nous entourait ; on nous demandait, avec empressement, s’il était vrai que l’on vînt chercher les prisonniers ; on nous disait que la ville les aimait et voulait les garder, on ne voulait pas qu’il leur arrivât du mal ; nous fûmes bien attendrie des sentiments de ce bon peuple.

Après Beaugency, on nous insulte dans un village et on nous demande nos passeports : nous les montrons, et, dès qu’on sait que M. Thomassin est capitaine de la garde nationale de Paris, on le prie de passer en revue cinquante hommes du village qui partaient pour l’armée. Nous voilà devenus gens d’importance ; il tire son épée gravement, fait la revue, prononce un discours