Page:Victoire de Donnissan de La Rochejaquelein - Mémoires de Madame la marquise de La Rochejaquelein, 1889.djvu/92

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ports, prend au collet le soldat qui criait toujours qu’il fallait nous arrêter, et, avec le ton d’un général, dit à l’officier : « Il est singulier, monsieur, que la discipline ne s’observe pas mieux ici, et qu’une sentinelle ose commander ; c’est vous seul qui en avez le droit ; vous voudrez bien mettre cet homme en prison et veiller sur votre troupe. » L’officier s’incline profondément et nous partons aux cris de : Vive la nation !

Nous arrivons à Thouars, les esprits étaient extrêmement échauffés, la ville étant fort patriote, et l’insurrection des campagnes venant à peine de se terminer. On visite toutes nos malles et paquets avec un soin si exact, qu’on déploie tout le linge, et on vide plusieurs pots de confiture dans la voiture, prétendant qu’il y avait dedans de la poudre ; cependant on nous laisse passer et nous arrivons à Clisson.

Il est temps ici de parler de l’insurrection qui venait d’avoir lieu, et de ce pays qu’on a appelé depuis généralement : la Vendée. Il se nommait alors vulgairement le pays du Bocage : la moitié était de la province du Poitou, un quart de celle d’Anjou, et un quart du comté Nantais. Il est borné au nord par la Loire, Paimbœuf d’un côté, et de l’autre Brissac ; à l’occident par la mer et la ville des Sables ; au midi, par Luçon, Fontenay, Niort ; à l’orient, par Parthenay, Thouars, Vihiers.

Toutes les villes que je viens de nommer étaient patriotes[1] enragées, ainsi que les campagnes environnantes, c’est-à-dire tous les habitants de la Plaine ; au contraire, toutes les campagnes du Bocage, situées entre les limites que je viens de décrire, fort aristocrates. Le pays est plein de collines couvertes de bois, coupé par une multitude de ruisseaux d’eau vive ; les chemins sont creux, étroits, pleins de bourbiers, bordés de haies vives fort élevées et d’arbres. Il n’y a point de grands chemins

  1. Ainsi s’étaient nommés eux-mêmes les ennemis de l’ancien régime, qui avaient embrassé la cause de la révolution. (Alfred Lallié.)