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M. de Montmorin, de Fontainebleau, ce sincère ami de toute la famille, que M. de Lescure et moi regardions comme un frère.

Dans ce temps, les couvents furent détruits ; nous avions une tante abbesse, sœur de mon grand-père, le duc de Civrac[1] ; elle avait élevé maman au couvent de Saint-Ausone[2], à Angoulême. Cette femme, la plus respectable que j’aie connue, avait soixante-quinze ans ; elle était fort sourde, mais point infirme. Jamais on n’a réuni autant d’esprit, de piété, de gaieté et de douceur. Elle se décida à vivre avec ma mère en Gascogne ; comme, dans le moment, celle-ci était chez moi, elle consentit avec plaisir à y venir, mais elle ne voulut pas, de peur de nous gêner, amener aucune religieuse, malgré nos instances. M. Thomassin alla chercher ma tante ; son arrivée rendit beaucoup de calme à maman, par le plaisir qu’elle lui fit et le désir de la voir heureuse.

Dans le même temps, M. de la Rochejaquelein s’échappa de Paris et alla d’abord chez lui. Sa tante[3], demoiselle de la plus haute vertu, demeurait près de Châtillon, à Saint-Aubin de Baubigné, où était le château de son père, nommé la Durbelière ; c’était une des paroisses révoltées. Comme ce jeune homme était seul dans le château, fort suspect par cette raison, et de plus comme étant officier de la garde, et dans un pays qui venait de se soulever, M. de Lescure l’engagea à venir chez lui. Nous étions moins suspects que tous les autres, par la grande quantité de vieillards et de femmes qui étaient réunis chez moi, et aussi en raison de ma grossesse ; d’ailleurs j’ai déjà dit que notre paroisse ne s’était pas révoltée.

  1. Marie-Françoise de Durfort-Civrac, née à la Mothe-Montravel, en Périgord, le 27 avril 1717, abbesse de Saint-Ausone en 1760, faite prisonnière à Saint-Barthélemy, près Angers, condamnée le 15 frimaire an II et exécutée le 19, 9 décembre 1793.
  2. Abbaye fondée vers le IIIe siècle, détruite successivement par les Normands, les Anglais et les calvinistes ; reconstruite dans l’enceinte de la ville d’Angoulême par la munificence de Louis XIII.
  3. Anne-Henriette du Vergier de la Rochejaquelein, née à la Durbelière le 23 octobre 1750, décédée à Saint-Aubin le 17 janvier 1810.