Je veux commencer par tracer le portrait d’Henri de la Rochejaquelein, que j’augmenterai dans la suite, son caractère s’étant singulièrement développé par la guerre. Il avait cinq pieds sept pouces ; extrêmement mince et blond, une figure allongée, il paraissait plutôt Anglais que Français. Il n’avait pas de jolis traits, mais la physionomie douce et noble. Dans ce temps-là il avait l’air fort timide ; on remarquait cependant des yeux très vifs, qui depuis sont devenus si fiers et si ardents, qu’on disait qu’il avait un regard d’aigle. Il était excessivement adroit et leste, montait à cheval à merveille. C’était un bon sujet, sévère sur ses devoirs. Il avait été au collège militaire de Sorèze[1] ; à l’âge de quinze ans il entra au régiment Royal-Pologne[2] cavalerie, dont son père était colonel, alors en garnison à Niort. À l’une des premières manœuvres, étant au premier rang, le régiment au galop, il culbuta avec son cheval ; les cavaliers voyant tomber le fils de leur colonel, s’arrêtèrent ; celui-ci cria plusieurs fois ; Au galop, et tous passèrent sans lui faire aucun mal.
Outre les personnes que je viens de nommer, il y avait chez moi le respectable M. d’Auzon, vieillard infirme ; M. des Essarts, le père[3], pauvre gentilhomme, dont notre famille avait fait la fortune ; il avait été marié par Mme de Lescure, la grand’mère, à une de nos voisines[4], mais il avait toujours vécu à Clisson, ainsi que ses enfants ; il n’avait à cette époque que sa fille[5],
- ↑ M. de la Rochejaquelein n’aimait pas l’étude, aussi n’était-il pas très instruit ; le seul livre dont il ne se lassait point était la Vie de Turenne, qu’il relisait constamment. (Note de l’auteur.)
- ↑ 12e régiment de cavalerie, devenu en 1791 le 5e régiment de cavalerie, puis le 5e de cuirassiers.
- ↑ Pierre Michel, écuyer, sieur des Essarts, fut élu, le 5 juillet 1790, secrétaire de l’assemblée des électeurs du district de Châtillon-sur-Sèvre. Devenu second président du conseil supérieur de la Vendée, il se cacha, après la déroute de Savenay, à Fégréac, près Redon, où il fut découvert et fusillé en 1794.
- ↑ Marie-Périne Richard de la Messardière, dame de Corbin en Boismé, près Bressuire.
- ↑ Élisabeth-Agathe-Marie-Henriette Michel des Essarts, née à Boismé, fut arrêtée à Montrelais, près Varades, condamnée à Angers comme « ci-devant noble », et exécutée le 21 nivôse an II, 10 janvier 1794, à l’âge de trente-deux ans.