Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/108

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son habit, visita lui-même son bras, et, le voyant cassé, il se fit tenir solidement la main de ce bras, en étendant le bras lui-même autant qu’il lui fut possible, et avec son autre main, qui était la droite, il le remit si parfaitement, que le chirurgien, étant survenu presque au moment où nous-mêmes nous arrivions avec la voiture, trouva le bras assez artistement réduit pour ne pas y toucher davantage, et se contenta de le bander aussitôt ; et en moins d’une heure nous repartîmes, après avoir établi dans la voiture le malheureux blessé, qui sous un visage calme et ferme cachait de cruelles souffrances. A Aqua-Pendente, le timon de notre voiture se trouva rompu, et nous voilà tous fort embarrassés. Tous, c’est-à-dire nous, les jeunes gens, le vieux précepteur, et les quatre autres sots qui nous servaient ; car pour Élie, avec son bras attaché au col, trois heures après sa chute, il se donnait plus de mouvement et s’employait plus efficacement que nous tous à réparer le timon ; et il dirigea si bien cette réparation provisoire, qu’en moins de deux autres heures on se remit en route, et le timon malade nous porta sans autre accident jusqu’à Rome.

J’ai raconté avec complaisance cet épisode de mon voyage, parce qu’il peint un homme doué de plus de courage et de présence d’esprit qu’on eût dû l’attendre de sa modeste condition, et, en général, rien ne me plaît comme d’avoir à admirer et à louer de ces vertus simples et naturelles. Elles doivent nous faire gémir sur les mauvais gouver-