Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/111

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Charles-Emmanuel, déjà vieillissant, le duc de Modène, gouverneur de Milan, et le grand duc de Toscane, Léopold, fort jeune aussi ; d’où je conclus fort bien, depuis lors, que tous les princes n’avaient entre eux qu’un seul visage, et que toutes les cours n’étaient qu’une même antichambre. Pendant mon séjour à Naples, j’eus recours une seconde fois à la ruse ; ce fut pour obtenir de la cour de Turin, par l’entremise de notre ministre de Sardaigne, la permission de quitter mon gouverneur, et de continuer seul mon voyage. Je vivais avec ces jeunes gens en parfaite intelligence, et le précepteur ne me causait jamais non plus qu’à eux le moindre déplaisir. Toutefois, comme de ville en ville on avait besoin de s’entendre pour le logis, et de se mouvoir de concert, et que le bonhomme était toujours irrésolu, changeant et temporiseur, cette dépendance me blessait. Il fallut donc me résoudre à prier le ministre d’écrire en ma faveur à Turin, pour y témoigner de ma bonne conduite, et assurer que j’étais parfaitement en état de me diriger moi-même et de voyager seul. La chose réussit à ma grande satisfaction, et j’en contractai une vive reconnaissance envers le ministre, qui, de son côté, m’ayant pris en affection, fut le premier qui me mit dans la tête de me livrer désormais à l’étude de la politique, pour entrer dans la carrière diplomatique. La proposition me plut fort, et il me parut alors que, de toutes les servitudes, c’était la moins servile. Je tournai donc ma pensée de ce côté, sans pour cela commencer aucune étude. Renfermant mon désir en moi-