Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/147

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quelle reposaient mes futures ambassades ; car c’est une carrière qu’il ne faut affronter qu’avec du bien. Heureusement pour moi qu’avec ce mariage s’en allèrent aussi en fumée toutes mes velléités de fortune diplomatique ; jamais je ne sollicitai aucun emploi de ce genre, et ce qui m’ôta un peu de la honte, ce désir stupide et d’ailleurs assez peu vif, éclos et mort en moi, ne fut connu de personne que de mon beau-frère.

Ces deux projets à peine tombés dans l’eau, je sentis tout-à-coup renaître en moi la pensée de poursuivre mes voyages pendant trois autres années, afin de voir chemin faisant ce que je voulais faire de ma personne ; mes vingt ans me laissaient le loisir d’y songer. L’autorité du curateur cessant, dans mon pays, à vingt ans révolus, j’avais réglé tous mes comptes avec le mien. Voyant alors plus clair dans mes affaires, je me trouvai beaucoup plus d’aisance que mon curateur n’avait voulu en convenir jusque là. En quoi il me fut grandement utile, car il m’accoutuma à me contenter du moins, et depuis j’ai presque toujours été modéré dans ma dépense. Me voyant donc alors un revenu net d’environ deux mille cinq cents sequins, et beaucoup d’argent mis de côté pendant ma longue minorité je me trouvai assez riche dans mon pays pour un garçon, et, renonçant à toute idée d’augmenter ma fortune, je me préparai à ce nouveau voyage que je voulais faire plus largement et tout à mon aise.