Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/250

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

dans l’une et l’autre, quelque lueur se laissait voir,




trop tard, elles ne sont plus que ridicules... Et cependant je ne puis retrouver mon courage, et je tremble comme si je me sentais coupable de quelque friponnerie. Mais ne vaudrait-il pas mieux l’avoir commise que d’avoir écrit une méchante tragédie? Tous les voleurs ne tremblent pas, d’accord; mais tous les mauvais poètes non plus. Zeusippe, que n’imites-tu hardiment ces impertinens poétraux ? Si ta tragédie ne plaît pas, conclus à leur exemple, que le public n’a ni goût ni discernement; qu’il juge avec les yeux de l’envie, et que tu es un excellent poète. Muses toujours chastes, quoique tant de fois profanées ; blond Phébus, dont la lyre vaut peut-être mieux que la mienne; orgueilleux Pégase, qui bronches si souvent sous le poids importun d’un cavalier mal habile; toi, qui si rarement déploies tes ailes pour prendre ton vol et nous emporter avec toi, je vous implore tous, tous, dans ces déplorables conjonctures. Fascinez les yeux, charmez les oreilles des spectateurs, pour que la pauvre Cléo-pàtre leur semble digne au moins de pitié. Mais, ô barbares déités, je vous vois sourdes à ma prière... Je vous abandonne... je ne fais plus de vers; c’est trop d’ingratitude. Je dirai du mal de vous, je ferai un madrigal ; je déshonorerai toute la famille... Tremblez.

Apollon, triste autant que moi, banni du ciel, exilé, pauvre, errant, tu te fis, dans ta détresse, berger d’Admète, en Thessalie; et quoique toujours seul, tu n’as pas su garder ton troupeau... Mercure te l’a volé... Te l’a volé Mercure... Mercure te l’a volé....

Diable ! il me manque une rime à troupeau ; elle ne veut pas venir. Va, tu es trop heureux, Apollon, car si la rime venait.....