langue ; il y avait plutôt de l’originalité dans la pensée et la manière de sentir. Je m’en lassai bientôt, et je fis très-bien ; car j’y perdais mon temps et mon encre. Il m’arrivait souvent de me trouver le lendemain pire encore que la veille. Mais c’est assez pour faire comprendre que j’étais parfaitement en état de connaître et de juger sur tous les points ma capacité littéraire. Après m’être rendu un compte exact de tout ce qui me manquait et du peu que je tenais de la nature, j’allai plus loin, et m’ingéniai à démêler entre les diverses qualités qui me faisaient faute celles que je pourrais acquérir dans leur entier, celles que je ne pourrais atteindre qu’à demi, celles qui m’échapperaient complètement. J’aurai dû à cette sérieuse étude de moi-même, sinon d’avoir réussi en tout, au moins de n’avoir essayé aucun genre de composition que je n’y fusse entraîné irrésistiblement par un violent instinct de la nature, instinct dont les élans, dans tous les beaux-arts, que l’œuvre soit ou non parfaite, ne ressemblent en rien aux élans de cette impulsion factice qui peut, elle, après tout, créer une œuvre parfaite en toutes ses parties.
À Pise, je fis connaissance avec les plus célèbres professeurs, et j’en tirai pour mon art tout le profit qu’il me fut possible. Dans mes relations avec eux, tout mon embarras, et il était grand, consistait à les interroger avec assez de réserve et de dextérité pour ne pas leur laisser voir mon ignorance toute entière, en un mot, si je puis me servir d’une métaphore monacale, pour leur sembler