Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/299

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dresse de mon ami de corriger chez moi et d’améliorer ce qu’il y trouverait à blâmer, de fortifier, au contraire, et d’élever encore le peu de choses louables par où l’homme peut se rendre utile aux autres, et s’honorer lui-même. Telle est, par exemple, la faiblesse de vouloir devenir auteur, et c’est là surtout que les nobles et affectueux conseils de Gandellini me furent d’un grand secours et m’encouragèrent beaucoup. Le très-vif désir que j’éprouvais de mériter l’estime de cet homme rare donna tout-à-coup comme un nouveau ressort à mon esprit, et à mon intelligence une vivacité qui ne me laissait ni paix, ni trêve, tant que je n’avais pas composé une œuvre qui fût ou me parût digne de lui. Je n’ai jamais joui de l’entier exercice de mes facultés intellectuelles et créatrices, que mon cœur ne se trouvât auparavant rempli et satisfait, et que mon esprit ne se sentît appuyé, soutenu par une main estimable et chère. Cet appui, au contraire, venait-il à me manquer, et à me laisser, pour ainsi dire, seul au monde, me regardant comme un être inutile à tous, et qui n’était aimé de personne, je tombais alors dans de tels accès de mélancolie, de désenchantement et de dégoût sur toute chose, et ces accès se renouvelaient si fréquemment que je passais des journées entières, et même des semaines, sans vouloir, sans pouvoir toucher un livre ou une plume.

Pour obtenir et mériter l’approbation d’un homme aussi estimable que Gori l’était à mes yeux, je travaillai, cet été, avec beaucoup plus d’ardeur que je n’avais fait encore. C’est de lui que me vint l’idée