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Chapitre IV.

Développement du caractère indiqué par divers petits faits.



Voici cependant le caractère qui se manifestait chez moi dans les premières années de ma raison naissante. Calme et taciturne, pour l’ordinaire, pétulant quelquefois, et babillard à l’excès; presque toujours dans les extrêmes opposés, opiniâtre et rebelle à la force, empressé à me rendre aux avis bienveillans, retenu plus que par toute autre chose par la crainte d’être réprimandé, prompt à rougir, et le poussant trop loin, inflexible lorsqu’on me prenait à rebours. Mais pour mieux rendre compte aux autres et à moi-même de ces primitives dispositions que la nature avait gravées dans mon ame, parmi beaucoup d’historiettes futiles qui se rattachent à mon premier âge, j’en présenterai deux ou trois que je me rappelle fort bien, et qui peindront mon caractère au naturel. De toutes les punitions, qu’on pouvait m’infliger, celle qui me faisait le plus de chagrin, au point même de me rendre malade, et qui, pour cela même, ne me fut infligée que deux fois seulement, c’était de m’envoyer à la messe avec mon réseau de nuit sur la tète, vêtement qui cache presque entièrement les cheveux. La première fois que j’y fus condamné (je ne sais plus quelle en fut la cause), je m’en allai donc avec mon maître, qui me traînait par la main, à cette église des Carmes,