second voyage, mais seulement pour changer de place. C’est le seul remède, la seule consolation que j’aie jamais su trouver à mes douleurs. Je voulais aussi profiter de l’occasion pour acheter des chevaux anglais, autant que je pourrais. C’était alors, c’est encore la troisième de mes passions, mais si effrontée, celle-ci, si audacieuse et tant de fois renaissante, que souventes fois les beaux coursiers ont osé combattre, ont osé vaincre les livres et les vers ; car, en cette tristesse de mon cœur, les muses retenaient bien peu d’empire sur mon esprit. Ainsi, de poète redevenant palefrenier, je partis pour Londres, l’imagination enflammée et ne rêvant que belles têtes, beaux poitrails, hautes encolures, vastes croupes, et ne songeant guère, si j’y songeais, à mes tragédies publiées ou non publiées. Toutes ces sottises me firent perdre au moins huit mois, pendant lesquels je ne faisais plus rien, n’étudiant pas, lisant à grand’peine quelques petits fragmens de mes quatre poètes qui, tantôt l’un, tantôt l’autre, prenaient place dans ma poche, compagnons inséparables de mes éternelles courses ; n’ayant enfin d’autre pensée que mon amie absente, à qui de temps en temps j’adressais quelques vers élégiaques que j’ajustais de mon mieux.
Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/360
Apparence