Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/362

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mense cloaque ne manqua pas de produire sur moi son effet ordinaire : indignation et douleur. J’y demeurai environ un mois, qui me parut un siècle, quoique j’eusse apporté avec moi différentes lettres pour bon nombre de littérateurs en tout genre ; et au mois de décembre je me disposai à passer en Angleterre. En France, la plupart des gens de lettres savent très-peu de chose de notre littérature italienne, et c’est beaucoup s’ils comprennent Métastase. Or, comme de mon côté je ne pouvais ni ne voulais rien savoir de la leur, il n’y avait pas entre nous matière à longs discours. Tout au contraire, enrageant au fond du cœur de m’être de nouveau mis dans le cas d’entendre et de parler encore ce jargon nasal, ce qu’il y a au monde de moins toscan, je hâtai de tout mon pouvoir le moment de m’en éloigner. Pendant le peu de temps que je restai à Paris, le fanatisme et la vogue du jour étaient alors aux aérostats, et je vis deux des premières et des plus heureuses expériences que l’on en fit ; l’une avec un ballon plein d’air raréfié, l’autre avec de l’air inflammable. Chacun d’eux portait deux personnes. Grandiose et admirable spectacle ! sujet qui semble appartenir à la poésie plutôt qu’à l’histoire ! découverte enfin à qui, pour mériter d’être appelée sublime, il ne manque jusqu’ici que de pouvoir ou de paraître pouvoir s’appliquer un jour à quelque chose d’utile. 1784. Arrivé à Londres, il ne se passa pas huit jours que je ne me misse en devoir d’acheter des chevaux : d’abord un de course, puis deux de selle, puis un autre, puis