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Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/387

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quentes lettres, et, selon ma coutume, perdant le temps avec mes chevaux et ne touchant presque plus à mes livres, rares mais fidèles compagnons de ma solitude. Toutefois, pour échapper à l’ennui,1785. pendant les heures où je ne pouvais ni monter à cheval, ni faire le cocher, j’essayais de temps en temps encore de lire quelques petites choses, surtout le matin, au lit, en m’éveillant. Dans ces demi-lectures, j’avais parcouru les Lettres de Pline le Jeune, qui m’avaient fait grand plaisir, autant par leur élégance que par tout ce qu’on y apprend des choses et des mœurs de Rome, outre la noblesse d’âme et l’aimable et beau caractère que l’auteur y laisse voir chemin faisant. Après ces lettres, j’entrepris de lire le Panégyrique de Trajan, qui m’était connu de réputation, mais dont je n’avais jamais lu un seul mot. Au bout de quelques pages, ne retrouvant plus l’homme de lettres, bien moins encore un ami de Tacite, comme il faisait profession de l’être, je me sentis dans le fond du cœur comme un mouvement d’indignation. Aussitôt jetant là le livre, je me dressai sur mon séant, car j’étais couché pour lire, et prenant ma plume avec colère, je m’écriai à haute voix, me parlant à moi-même : « Mon cher Pline, si tu étais vraiment l’ami, l’émule et l’admirateur de Tacite, voici sur quel ton il te fallait parler à Trajan. » Et sans plus attendre ni réfléchir, j’écrivis de verve, comme un fou et renonçant à gouverner ma plume, environ quatre grandes pages de ma plus petite écriture, tant que, las enfin, et lais-