Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/411

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la révision qui précède l’impression. Non que je pense ou que je désire que l’on puisse imprimer toute chose ; mais pour mon compte j’ai adopté la loi anglaise, et je m’y conforme de tout point. Je n’écris jamais rien qui ne soit de nature à pouvoir s’imprimer en toute liberté et sans attirer aucun reproche à l’auteur, dans cette heureuse Angleterre, le seul pays vraiment libre. Pour les opinions, liberté pleine et entière, respect aux mœurs, et jamais rien qui blesse les personnes ; telle est, telle sera toujours mon unique loi ; je n’en sache pas d’autres que l’on puisse raisonnablement admettre et respecter.

Après en avoir écrit à Paris, et obtenu directement de Beaumarchais la permission de recourir à son admirable imprimerie, je profitai également de l’occasion qui m’amenait à Kehl pour laisser à ses employés le manuscrit des cinq odes que j’avais intitulées l’Amérique libre : ce petit ouvrage devait me servir comme d’essai. Et, en effet, l’impression m’en parut si correcte et si belle, que, les deux années qui suivirent, je fis successivement imprimer tous ceux de mes autres ouvrages dont j’ai parlé ou dont il me reste à parler encore. Les épreuves m’arrivaient, de semaine en semaine, à Paris, où je les revoyais. Je ne cessai d’y changer et d’y rechanger des vers entiers. Ce qui m’y excitait, c’était, outre un désir démesuré de mieux faire, la rare complaisance et la singulière docilité de ces protes de Kehl, dont je ne pourrai jamais me louer assez ; bien différens en ceci des protes, des com-