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Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/480

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je réfléchis un peu sur l’erreur de cet homme, d’ailleurs bien né, et que je me demande à moi-même ce que j’aurais été si, pauvre, dérangé, vi-

    mais y rentrer, permettez-moi de vous dire combien il m’en coûte de renoncer à l’espoir que je nourrissais depuis longtemps, de pouvoir un jour vous connaître personnellement. Cette résolution que je prends, et qui m’est dictée, ce me semble, par la délicatesse, plusieurs la regardent comme née d’un excès d’amour-propre, d’autres, en plus grand nombre, d’un préjugé ridicule. Ils ont peut-être raison ; mais je ne puis faire violence à ma nature qui me commande d’agir ainsi. La chose eût-elle été possible, l’exil perpétuel, la confiscation de mes biens, dont me menace aujourd’hui le gouvernement piémontais, si je ne me hâte de rentrer, ces mesures seules suffiraient pour me confirmer dans la détermination que j’ai prise. J’ai combattu contre les Français quand ils étaient victorieux ; j’ai commencé à combattre pour eux après qu’ils avaient été vaincus, et je ne puis absolument me résoudre à les abandonner quand ils sont les moins forts.

    Je ne crois guère que je change. Je ne sais quand les nombreuses blessures que j’ai reçues dernièrement me permettront de reprendre les armes. Si je puis encore faire la guerre, ce ne sera jamais en Italie. Je désire la paix sans la croire prochaine ; je la désire afin d’appeler près de moi ma femme bien-aimée, votre vertueuse nièce, et mon fils unique ; j’éprouve une douleur profonde en me séparant d’eux. Oh ! que je voudrais qu’elle vous fût connue ! Je n’ai jamais eu l’idée qu’il pût exister une femme plus douce, plus tendre, d’une âme plus élevée, plus noble, douée de sentimens plus sublimes.

    Je pars dès demain pour Gratz, et j’éprouve une véritable consolation de vous avoir ouvert mon cœur, non que je sup-