Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/504

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essuyées, ces deux derniers étés, m’avertissent qu’il est temps que je cesse d’écrire et de raconter. Je ferme donc ici la quatrième époque de ma vie, bien convaincu que je n’ai plus la volonté, et que si je l’avais, je n’aurais plus la force de rien composer. Mon dessein est de continuer à revoir mes productions originales et mes traductions, pendant les cinq ans et quelques mois qu’il me reste encore à vivre pour atteindre la soixantaine, si Dieu permet que j’y arrive. À cet âge, si je vais plus loin, je me propose, et je me commande à moi-même de ne plus rien faire, que continuer (cela je le ferai tant que j’aurai un souffle de vie) les études que j’ai entreprises, et si alors il m’arrive de toucher à mes écrits, ce sera uniquement pour changer ou refaire, (sous le rapport du style) jamais pour y ajouter la moindre chose. La seule que je veuille faire, après soixante ans, c’est de traduire le livre d’or où Cicéron a traité de la vieillesse. L’œuvre sera conforme à mon âge, et je le dédierai à mon inséparable compagne, celle avec qui j’ai partagé, depuis plus de vingt-cinq ans, avec qui je partagerai de plus en plus tous les biens et tous les maux de cette vie.

Pour ce qui est ensuite de l’impression de toutes les choses que je me trouve et me trouverai avoir faites à soixante ans, je ne crois pas que désormais j’y songe. La peine en est trop grande, et d’ailleurs condamné à vivre sous un gouvernement qui n’est pas libre, il faudrait me résigner à la censure, et jamais le pourrai-je ? Je laisserai donc en