Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/71

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que déjà je ne me crusse poète ; mais mon oncle, qui était un rude homme de guerre, et qui, suffisamment versé dans la politique et l’histoire, n’entendait rien et ne voulait rien entendre à aucune espèce de poésie, se garda bien d’encourager ma muse naissante. Tout au contraire, il désapprouva le sonnet, et ses moqueries tarirent jusque dans sa source le mince filet de ma veine. Lorsque l’envie de poétiser me revint, j’avais déjà plus de vingt-cinq ans, et que de vers bons ou méchans moururent, ce jour-là, de la main de mon oncle, dans le berceau de mon pauvre sonnet premier-né !


1763. À cette sotte philosophie succéda, l’année suivante, l’étude de la physique et celle de là morale, distribuées de la même manière que les deux cours précédens : la physique le matin, et la morale pour faire la sieste. La physique me souriait assez ; mais, cette lutte perpétuelle avec la langue latine, mais mon ignorance complète de la géométrie, que je n’avais point encore étudiée, mettaient à mes progrès d’invincibles obstacles. Aussi l’avouerai-je à ma honte éternelle, et pour l’amour de la vérité, après avoir étudié la physique pendant une année entière sous le célèbre père Beccaria, il ne m’en est pas resté dans la tête une seule définition, et je ne sais rien, absolument rien de son cours d’électricité, ce cours si profond, qu’il a enrichi de tant de merveilleuses découvertes. Ici encore, comme toujours, il m’arriva ce qui déjà m’était advenu pour la géométrie, c’est que, grâce à la fidélité de ma mémoire, j’allais fort bien aux répétitions, et recueil-