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tin meilleur vînt me rendre à moi-même ; car privé de tout ce qui nourrit le cœur, je ne pouvais, en vérité, me regarder comme vivant.





CHAPITRE XV

Séjour à Pise. — J’y écris le Panégyrique de Trajan, et d’autres ouvrages.



Cependant mon amie, de son côté, était rentrée en Italie par les Alpes de Savoie. Elle était venue de Turin à Gènes et de Gènes à Bologne, où elle se proposait de passer l’hiver, ayant trouvé cette combinaison pour ne plus sortir des états pontificaux, sans, pour cela, retourner à Rome qu’elle regardait comme sa prison, sous prétexte que la saison était trop avancée. Se voyant à Bologne au mois de décembre, elle y resta. Nous voici donc, pendant six mois, elle à Bologne, moi à Pise, avec l’Apennin seul entre nous, séparés de nouveau, quoique tout près l’un de l’autre. C’était en même temps pour moi une consolation et un martyre. Je recevais de ses nouvelles tous les trois ou quatre jours ; mais je ne pouvais ni ne devais, en aucune manière, essayer de la voir, grâce au commérage des petites villes d’Italie, où, pour peu qu’on s’élève au-dessus du vulgaire, on est minutieusement observé par une foule d’oisifs et de malveillans. Je passai donc à Pise cet hiver interminable, sans autre consolation que ses fré-