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SIX ANS AUX MONTAGNES ROCHEUSES

cadavre à l’entrée de la clôture. Le dimanche précédent, il avait chanté à l’église ce cantique à la Sainte Vierge :

Que le nom de ma Mère

Au dernier de mes jours
Soit toute ma prière ;

Qu’il soit tout mon secours !

Un autre avait été écrasé par un train ; un troisième tué par la foudre ; un quatrième mis en pièces dans une mine. Vers le même temps, un petit garçon de douze ans que je préparais à la première communion et qui était un modèle de piété, tomba du haut d’un lourd chariot si malheureusement sous la roue que le crâne fut brisé et que la cervelle tout entière jaillit dans son chapeau de paille, qu’on enterra à côté du petit cadavre ; enfin un pauvre jeune homme, bon chrétien d’ailleurs, dans un moment de folie, s’était suicidé d’un coup de fusil au cœur. C’était à onze kilomètres de chez moi ; averti, je partis aussitôt et arrivai en même temps que le shérif et le coroner. Nous entrâmes dans la grange où gisait le cadavre horriblement convulsé. Les deux officiers fumaient d’énormes cigares tout en remplissant leur funèbre besogne ; le coroner s’inclina sur le cadavre, enfonça trois doigts de la main dans le trou du cœur et essuya le sang sur les habits du mort. De son côté le shérif ayant ramassé la carabine qui avait servi au suicidé, m’expliqua comment celui-ci avait appuyé l’arme contre une traverse de bois et se l’était déchargée en plein cœur. Pour moi, après avoir rempli mon ministère de consolation auprès de la mère de cet infortuné jeune homme, je m’informai des circonstances qui avaient précédé le suicide, et pouvant raisonnablement conclure à un acte de folie, je téléphonai à l’évêché pour demander l’autorisation de faire