Page:Victor Baudot - Au Pays des Peaux-Rouges.djvu/115

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Tout le monde remarqua cette expression, et je sus plus tard en effet que l’évêque avait fait entendre à ses prêtres qu’il leur interdisait formellement la bière, le vin et toute boisson fermentée. En revanche, il permettait, encourageait même par son exemple l’usage du tabac sous la forme de ces gros cigares américains, trop souvent mélangés d’opium, ce qui paraît à plusieurs un genre d’intoxication aussi dangereux, plus dangereux même que l’autre. D’ailleurs sur cette question de boissons enivrantes, les évêques américains ne sont pas tous d’accord, et l’archevêque de Milwaukee distingua toujours entre la tempérance qui consiste à ne point dépasser la juste mesure et l’abstention totale. Mgr  Carroll était, je l’ai dit, partisan déclaré de l’abstention totale, et plus d’une fois dans ses tournées de confirmation, il ordonna aux premiers communiants de se lever et de prendre tous ensemble le « pledge », c’est-à-dire de jurer que jusqu’à l’âge de vingt ans ils ne toucheraient à aucune boisson fermentée. Il est certain qu’au temps du P.  Mathew en Irlande, cet usage du pledge qu’il avait introduit, fit un bien immense, mais si j’en crois ma propre expérience, l’institution primitive a quelque peu dégénéré. En 1877 me trouvant tout jeune prêtre à Glasgow, en Écosse, prévoyant que j’aurais au cours de mon ministère à donner le pledge, huitième sacrement des Irlandais, je demandai aux autres Pères comment cela se pratiquait. J’eus bien de la peine à obtenir une réponse et l’on finit par m’avouer que la défense de ne plus boire était moins stricte qu’auparavant. On donnait le pledge pour une courte période, en permettant deux verres de bière par jour et si je ne me trompe un verre de whisky. Bien m’en avait pris de me renseigner : dès le soir même, qui était un samedi, j’étais assiégé dans mon confessionnal par une foule compacte ;