Page:Victor Baudot - Au Pays des Peaux-Rouges.djvu/180

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malade que je visitais chaque jour. Un matin que j’allais le voir, j’aperçus devant la tente un chariot attelé de deux chevaux : j’entrai. Le moribond était revêtu de ses habits de gala, avec la figure peinte en rouge. Les parents étaient assis en silence tout autour de la loge. Au bout de quelques instants, un d’entre eux se leva et me dit : «  Cessez de lui parler  ; il est temps de partir. — Et où voulez — vous aller  ? — Le porter à la sépulture, répondit-il en me montrant le malade. — Comment  ? Le porter à la sépulture  ? mais il n’est pas mort. — Oh  ! reprit l’Indien, il sera mort avant que nous n’arrivions à la colline. — Et moi je vous dis que vous ne l’emporterez pas tant qu’il sera vivant  ; autrement je vais chercher la police et je vous fais mettre en prison.  » Là-dessus ils renoncèrent à leur projet. Cette conversation avait lieu en présence du moribond, qui comprenait parfaitement tout ce qu’on disait. Vers le soir l’homme mourut, et on le transporta à la colline.


XI.

Vieux Pharisien et femmes scalpées.


Le vieux Grande-Plume, en vrai Pharisien qu’il était, voulait faire parade de ses vertus et me disait : «  Je ne mens jamais, je ne vole pas, mon cœur est loyal et fort. Les Pieds-Noirs qui se contentent de couper le nez à leurs femmes coupables, n’ont pas le cœur fort. Un jour on me dit que ma femme était infidèle  ; je n’avais rien vu, je ne savais rien que par ouï-dire. Aussitôt je pris mon fusil, je couchai ma femme en joue et je l’étendis raide morte. — Scélérat  !   » m’écriai-je. — Mais il continua à me raconter d’autres meurtres qu’il avait commis,