Page:Victor Baudot - Au Pays des Peaux-Rouges.djvu/181

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à moitié ivre, ajoutant que tout le monde le respectait et avait grand’peur de lui.

Une femme de la tribu des Corbeaux avait sur la tête une cicatrice large comme une pièce de cinq francs, où il n’y avait pas de cheveux, mais seulement une peau très mince. J’avais entendu parler de cette femme et je la priai de me raconter son histoire. « J’étais encore jeune fille, dit-elle ; mon père avec quelques autres familles des Corbeaux était campé au delà du fleuve Yellow Stone. Dans le voisinage se trouvait une colline sur laquelle avait été enseveli un de nos parents ; je voulus y aller avec deux autres femmes. Nous touchions presque au sommet de la colline ; c’est tout ce que je me rappelle. Vers le soir je me trouvai couchée dans la tente avec une blessure au côté et la tête bandée. On me dit que sur la colline il y avait des Pieds-Noirs en embuscade et qu’ils avaient tiré sur nous. Nos guerriers accourus trouvèrent mes deux compagnes mortes et moi sans connaissance ; avant de partir les Pieds-Noirs avaient enlevé à chacune de nous un morceau de peau avec les cheveux à l’endroit où vous voyez encore la cicatrice. »

Une femme de la tribu des Têtes-Plates, mariée au Pied-Noir Grande-Plume, avait une chevelure magnifique. Des Corbeaux l’ayant rencontrée l’attaquèrent à coups de fusil et elle tomba blessée. Les Corbeaux la croyant morte et voyant sa belle chevelure, lui scalpèrent toute la tête, ne laissant que quelques cheveux sur la nuque d’une oreille à l’autre. Cette femme revint à la santé : tout autour de la tête, la peau se reforma, laissant seulement voir au sommet du crâne l’os dénudé et légèrement noirci. Cette femme vit encore parmi les Têtes-Plates. Ce fait me fut raconté par Court-Double ; et Grande-Plume que j’interrogeai, me le confirma. Il devait être bien renseigné, puisqu’il s’agissait de sa femme.